Les conditions du partenariat entre syndicats mixtes

 

 

La pratique a conduit des syndicats mixtes "fermés" à projeter et, pour certains, à être autorisés à adhérer à un autre syndicat mixte (on songe notamment aux syndicats mixtes de traitement des déchets). Mais, si les textes en vigueur n'interdisent pas expressément ce procédé, ce dernier implique d'admettre la subdélégation ou le "transfert sur transfert" de compétences. En d’autres termes, les communes et/ou EPCI confient, d'abord, certaines attributions à l'EPCI qui serait en droit d'effectuer la même opération, pour les mêmes attributions, au bénéfice d'un autre EPCI ou d'un syndicat mixte "ouvert".

 

Définition des syndicats mixtes ouverts et des syndicats mixtes fermés : l'article L.5711-1 du CGCT modifié par la loi n°2004-809 du 13 août 2004 (article 76) définit ainsi le syndicat mixte fermé : "les syndicats mixtes constitués exclusivement de communes et d'établissements publics de coopération intercommunale et ceux composés uniquement d'établissements de coopération intercommunale". Alors que le syndicat mixte ouvert "peut être constitué par accord entre des institutions d'utilité commune interrégionales, des régions, des ententes ou des institutions interdépartementales, des départements, des EPCI, des chambres de commerce et d'industrie, d'agriculture ou de métiers, ou encore d'autres catégories d'établissements publics en vue d'œuvres ou de services présentant une utilité pour chacune de ces personnes morales" (article L.5721-2 du CGCT).

 

Mettant un terme aux divergences d'interprétation sur ce point, le Conseil d'Etat s'est récemment prononcé en défaveur de l'adhésion d'un syndicat mixte "fermé" à tout autre syndicat mixte, que celui-ci soit "ouvert" ou "fermé" (CE, 5 janvier 2005, société des eaux du Nord, req. n°265938, à paraître au recueil Lebon). Seule la fusion pourrait donc être aujourd’hui envisagée.

 

I – L'opposition à l'adhésion d'un syndicat mixte à un autre

 

Elle s'explique par le silence des textes, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne prévoyant pas expressément l'adhésion d'un syndicat mixte à un autre.

Un autre argument plaide en défaveur de l'adhésion d'un syndicat mixte à un autre, tiré de l'idée qu'un tel procédé serait contraire à une certaine rationalisation de la construction intercommunale. En ce sens, il est remarquable que la loi n°2004-809 du 13 août 2004, dite loi "responsabilités et libertés locales", ait permis la transformation des syndicats de communes en EPCI à fiscalité propre, le législateur estimant "préférable d'appuyer l'évolution progressive des syndicats intercommunaux en communauté de communes, pour privilégier l'appartenance des communes à une seule structure intercommunale" (cf. Sénat, rapport préparatoire à la loi du 13 août 2004).

Plus généralement, avant que le Conseil d'Etat ne fournisse son interprétation, était couramment mise en cause la subdélégation de compétence que le droit administratif n'admet normalement que sur la base d'un texte.

 

Point juridique sur la subdélégation de pouvoir : le titulaire d'une délégation de pouvoir peut subdéléguer, mais seulement sous la forme d'une subdélégation de signature (CE ass., 12 décembre 1969, André, req. n° 63431, 63436 et 63653). Si, au contraire, le titulaire d'une subdélégation de signature "est habilité à exercer les pouvoirs du délégant, il n'est pas autorisé à en disposer" (CE, 3 juin 1953, cons. Branellec, p.256 ; CE, 19 juin 1981, confédération nationale des groupes autonomes de l'enseignement public, req. n°18918 et 22806). Le moyen tiré de l'illégalité d'une subdélégation est, de surcroît, d'ordre public (CE, 14 janvier 1987, Gosset, req. n°59145).

 

Ainsi, dans son bilan de l'Intercommunalité au 1er janvier 2003, le ministère délégué aux libertés locales critique "le schéma actuel dans lequel des communes appartiennent simultanément à plusieurs syndicats intercommunaux, à une communauté de communes, cette dernière adhérant elle-même à un ou plusieurs syndicats mixtes, (qui) ne favorise guère l'efficacité et la transparence", jugeant "préférable d'appuyer l'évolution progressive des syndicats intercommunaux en communauté de communes, pour privilégier l'appartenance des communes à une seule structure intercommunale à fiscalité propre". Dans le même esprit, la commission des lois de l'Assemblée nationale a mis en cause, dans le cadre des discussions parlementaires afférentes au projet de loi "responsabilités et libertés locales", la "juxtaposition des compétences" qui nuirait "à la clarté de la carte intercommunale". La Commission a notamment précisé que "toléré par voie de circulaires pour les syndicats mixtes en matière de collecte d'ordures ménagères, ce dispositif d'adhésion "en cascade" présente le risque d'une dilution des responsabilités et d'un empilement de coquilles vides". Le professeur Jacques MOREAU résume ainsi ces points de vue : "une chose est, pour une commune, le choix de déléguer telle ou telle de ses compétences à un syndicat ; autre chose serait que tel syndicat délégataire de cette compétence puisse à son tour transférer cette compétence à un autre organisme" (JCP, sem. jur. adm. et coll. terr., n° 8, 21 fév. 2005, p.417).

C'est justement sur le fondement de telles considérations que le Conseil d'Etat s'est positionné. Selon lui, "bien que les syndicats mixtes fermés créés en application de l'article L. 5711-1 précité soient soumis, en vertu de cet article, aux règles d'organisation et de fonctionnement applicables aux EPCI, il ne résulte (…) d'aucune autre disposition du Code général des collectivités territoriales que le législateur, qui n'a pas organisé de procédure permettant de recueillir l'accord ou même simplement l'avis des communes ou EPCI intéressés, ait entendu donner à ces syndicats la faculté de transférer à nouveau les compétences qui leur ont été dévolues par leurs membres à d'autres syndicats mixtes institués en application de cet article ou de l'article L. 5721-2 précité, en adhérant eux-mêmes à de tels organismes" (CE, 5 janvier 2005, société des eaux du Nord, précité). Autrement dit, les préfets ne devraient plus autoriser l’adhésion d’un syndicat mixte intercommunal fermé à un syndicat mixte.

 

Faits de l'espèce : les préfets du Nord, du Pas-de-Calais et de l'Aisne avaient, par arrêté conjoint, autorisé l'adhésion du syndicat intercommunal d'assainissement du Nord au syndicat interdépartemental des eaux du Nord de la France, adhésion qui avait pour objet et pour effet de transférer à ce dernier les compétences en matière d'assainissement antérieurement exercées par le syndicat intercommunal d'assainissement du Nord. La société des eaux du Nord et le syndicat professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement, à qui le Juge a reconnu intérêt et qualité à agir, en demandaient l'annulation, ce qu'ils ont obtenu.

 

On pourra toutefois s'interroger quant à la validité de l'argument tiré de l'illégalité de la subdélégation de compétence lorsque le syndicat mixte adhère à un autre pour ses propres besoins et non pour ceux de ses adhérents, ces derniers ne lui ayant pas transféré les compétences en cause. 

 

 

II – La fusion de syndicats mixtes

 

Plutôt que l'adhésion, l’état du droit ayant évolué depuis la loi "libertés et responsabilités locales" du 13 août 2004, les syndicats mixtes envisageront plus certainement la fusion. La loi du 13 août 2004 susmentionnée prévoit en effet, en son article 155, une procédure spécifique de fusion entre syndicats mixtes "fermés" ou entre syndicats mixtes "ouverts", procédure qui correspond à ce qui a constitué la préoccupation du Juge, à savoir la nécessaire prise en compte de la volonté des "collectivités de base".

Plus précisément, s'agissant des syndicats mixtes "fermés", les règles procédurales sont celles  applicables à la fusion d'EPCI de droit commun (cf. nouvel article L.5711-2 du CGCT qui renvoie expressément à l'article L.5211-43-1 du même Code). Aussi la proposition de fusion doit-elle recueillir l'approbation des organes délibérants des syndicats mixtes concernés et des 2/3 au moins des membres de chaque syndicat représentant plus de 50 % de la population totale ou 50 % au moins des membres de chaque syndicat représentant les 2/3 de la population (cf. nouvel article L.5711-2 alinéa 2 du CGCT).

S'agissant des syndicats mixtes "ouverts", la fusion est opérée selon la procédure fixée par l'article L.5211-41-2 du CGCT (cf. article L.5721-2-II du CGCT), à l'exception près que le syndicat mixte créé n'a pas à respecter le principe de continuité territoriale. Ainsi, la fusion nécessitera l'accord unanime non seulement des organes délibérants de chaque syndicat mais, également, de chacun des membres composant le syndicat.

Ceci étant, il est remarquable que la Loi ne permette pas expressément la fusion entre un syndicat mixte fermé et un syndicat mixte ouvert. Gageons que le Juge sera saisi de cette question.